Book Review | Les femmes aussi sont du voyage de Lucie Azema.

Lorsque l’autrice a teasé une future publication, j’étais terriblement impatiente. Il me semble avoir découvert son compte Twitter alors qu’elle vivait à Abu Dhabi. Je me souviens de photos de la vue de son appartement, à une hauteur vertigineuse, au-dessus des nuages, ainsi que des services à thé toujours plus beaux les uns que les autres. C’est aussi grâce à elle que j’ai découvert Mona Chollet et son Sorcières, dont j’ai tant apprécié la lecture.

L’entreprise de Les femmes aussi sont du voyage : l’émancipation par le départ est aussi triste que ce qu’elle est ambitieuse : démontrer l’invisibilisation des exploratrices et le découragement systémique de celles qui pourraient le devenir. Entre anecdotes personnelles et citations abondantes d’autres voyageuses, l’ouvrage est une petite anthologie de toutes les difficultés auxquelles se confrontent les femmes rêvant d’ailleurs. Néanmoins, l’autrice ne s’arrête pas là et démontrent ce qui, au contraire, n’est accessible qu’aux femmes dans le voyage. Ce point de vue, chroniquement ignoré, révèle pourtant des lieux cruciaux de certaines sociétés, notamment au Moyen-Orient. La réalité de celles que Simone de Beauvoir désignait dans son Deuxième Sexe comme l’Autre -en opposition au standard, à l’homme- était ignorée, romanticisée, sexualisée, ce qu’Edward Saïd théorise notamment dans son Orientalisme.

Ce livre nous confronte nécessairement à nos mécanismes de découragement. Pourquoi ne part-on pas seules ? Pourquoi nos familles sont-elles si inquiètes ? Pourquoi certains pays les alarment plus que d’autres alors qu’elles n’y ont jamais mis les pieds ? Ma lecture était un peu différente car il y a aussi pour moi les restrictions alimentaires qui rendent tout voyage une prise de tête. Mais l’est-ce vraiment ? Ou l’utilisé-je comme mécanisme de négation parce que c’est facile ? Cet ouvrage pousse à repenser nos défenses et leurs origines, notre misogynie internalisée, cette assignation à résidence au nom de notre genre. L’autrice cite d’ailleurs un passage de King Kong Théorie de Despentes qui avait déjà bouleversé nombre de certitudes chez moi.


“Se plonger dans un univers étranger permet de chasser l’exotisme. Pour cela, la voyageuse (ou le voyageur) doit se lancer dans une quête effrénée, qui peut parfois s’étendre sur des décennies. Oubliez donc le Koh-i-Noor ou les butins des pirates enfouis : la vraie chasse du trésor est ailleurs. Où ? Dans les manuels de grammaire. De précieuses feuilles de route injustement négligées, alors qu’elles constituent la clé d’entrée dans toute langue, dans toute culture. Car étudier une grammaire, c’est craquer le code d’un pays, et tâtonner pour déchiffrer celui de ses voisins.”

L’écriture de Lucie Azema est aussi belle que les tableaux d’ailleurs qu’elle dépeint dans les passages de partages d’expérience personnelle. Enfin, la bibliographie conséquente est un petit trésor dans lequel j’ai très hâte de me pencher pour découvrir en détails les destins extraordinaires des exploratrices présentées au long de l’ouvrage et en particulier :


My Life on the Road - Gloria Steinem - SensCritique
Ada Blackjack: A True Story of Survival in the Arctic (English Edition)  eBook : Niven, Jennifer: Amazon.fr: Boutique Kindle
La Ferme africaine - Karen Blixen - Babelio

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Laurie (Mots Insatiables)

I blog about books since 2009. Graduated with a Vocational Degree in Booktrade and a BA in English. Currently doing a Master's Degree in English, specialising in Media & Co-ordination of cultural projects. Interested in the Publishing industry: editing/revising/reviewing texts.

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